Figures d’opéra-comique
On s’occupe rarement des chanteurs d’une façon un peu instructive, et on ne le fait point de manière à ce que l’étude de leur talent soit profitable. On encense les favoris du jour, on les couvre de louanges hyperboliques, sans leur faire l’honneur d’une discussion sincère. Quant à ceux du passé, on se répand sur leur compte en anecdotes plus ou moins authentiques, on en fait de véritables idoles qu’il ne reste plus qu’à diviniser ; mais on ne les discute pas davantage, et l’on ne se donne même pas la peine de rechercher l’ensemble des qualités qui constituaient le fond de leur talent. Quelques types de chanteurs se sont présentés à moi, des plus originaux et des plus sympathiques à la fois parmi ceux qui ont brillé jadis sur notre seconde scène lyrique ; je me suis pris à les étudier, à les aimer, et ce que je veux faire, c’est rapporter simplement ce que des recherches, parfois laborieuses, m’ont appris à leur sujet. Et comme en eux le caractère est aussi curieux que le talent, je tâcherai, en faisant connaître de mon mieux l’artiste, d’esquisser la physionomie vive et accentuée de l’individu.
Arthur Pougin (1834-1921)
Pougin commence dès l’âge de sept ans l’étude de la musique avec sa mère, musicienne amateur. Il travaille comme violoniste pour de nombreux orchestres dès l’âge de treize ans. Il exerce ensuite cette même fonction à l’Opéra-Comique et suit les cours d’harmonie d’Henri Reber tout en s’essayant à la composition. Ne pouvant faire valoir ses propres œuvres, il se tourne vers la littérature musicale et débute, en avril 1859, à la Revue et Gazette musicale dans laquelle il publie des études biographiques sur divers musiciens français du XVIIIe siècle, à l’époque oubliés ou peu connus, comme Campra ou Mondonville. Sa carrière de violoniste à l’orchestre de l’Opéra-Comique lui permet d’apprendre à connaître les œuvres de l’école française, d’étudier l’art des grands maîtres, leur harmonie et leur instrumentation, car il envisage dès cette époque de retracer l’histoire des artistes français. Il commence notamment une série d’études sur les maîtres de la scène lyrique française et publie des livres sur quelques-uns d’entre eux dont Rameau, Boieldieu ou encore Adolphe Adam. Collaborateur de plusieurs journaux artistiques comme La France musicale, Le Ménestrel, L’Art musical, Le Théâtre, il livre un grand nombre d’écrits sur différents artistes français ou étrangers (Halévy, Meyerbeer, Rossini, Bellini, etc.). Ces écrits paraîtront ensuite pour la plupart d’entre eux sous forme de livres ou de brochures. Pougin est en outre chargé de la critique musicale dans diverses feuilles littéraires comme Le Camarade, Figaro-Programme, Paris illustré. Pierre Larousse, directeur du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, lui confie toute la partie de cet immense ouvrage concernant la musique. En 1871, il refuse une sous-préfecture importante renonçant ainsi à une carrière dans l’administration à laquelle il préfère sa vie d’artiste et d’écrivain indépendant. Pougin publie dans Le Ménestrel une série de notices biographiques sur Elleviou, Mme Dugazon et la famille Gavaudan, notices qui formeront plus tard le volume Figures d’opéra-comique.